Elise
Landais parrainée par le Club Laval Ambroise Paré.
Lettre magnifique
qui lui a permis de gagner au Brésil un concours d'éloquence avec le
thème : "Comment l'échange a t il changé ma vie"
Bonne lecture...
Je m’appelle Élise Landais, je suis une étudiante
française en échange international. Je suis dans le district 4490, au Rotary
Club Teresina Piçarra. J’habite à Teresina et je suis arrivée au Brésil il y a
10 mois pour vivre un échange, une expérience unique que seuls ceux qui la
vivent peuvent réellement comprendre. C’est une expérience qui transforme non
seulement l’étudiant, mais aussi toutes les personnes qu’il croise.
Mais aujourd’hui, je ne suis pas venue seulement parler
de ce que j’ai vécu. Je suis venue parler de ce que je suis devenue.
Venir au Brésil, c’était comme entrer dans un rêve : tout
était différent, intense, coloré, chaleureux.
Et non, le Brésil ne se résume pas au football (bon, un
peu quand même) ou à Rio de Janeiro.
Comme dans le film La Cité de Dieu, j’ai senti que : « La
réalité est dure, mon frère. Mais c’est dans cette réalité qu’on apprend à
vivre. »
Parce que le Brésil, c’est une réalité totalement
différente de celle de la France.
Changer de pays, c’est comme se recréer une nouvelle vie
à partir de zéro. Tu peux choisir qui tu veux être vraiment. La meilleure
version de toi-même, sans le poids du passé, sans personne qui te connaît, sans
préjugés.
Au début, je n’étais qu’une jeune fille perdue entre les
accents et les câlins.
Je n’étais pas habituée à être autant sollicitée. En
France, chacun reste dans son coin, sans trop se soucier des autres. Ici, j’ai
été reçue de manière EXCEPTIONNELLE. J’ai eu beaucoup de privilèges en tant que
Française. J’ai participé à de nombreuses interviews, rencontres, événements…
On m’a offert plein de cadeaux sans raison, et on
n’attendait rien de moi, juste une conversation.
Être traitée ainsi m’a donné encore plus envie de
découvrir ce pays merveilleux et son histoire.
J’ai eu l’opportunité de beaucoup voyager à travers le
Brésil. Je suis tombée amoureuse de chaque ville que j’ai visitée. J’ai
découvert que j’aimais vraiment voyager, discuter avec les guides, apprendre
toujours plus. Je suis devenue quelqu’un de très curieuse et sociable.
Mais j’ai vite compris que l’échange ne se résume pas à
la géographie : c’est une transformation.
Comme le chante Tim Maia : « Je ne veux pas d’argent, je
veux juste aimer.»
Et c’est ici que je l’ai appris. Que le plus précieux, ce
n’est pas ce qu’on achète, mais ce qu’on ressent. Cet échange m’a appris à
ressentir : la joie, la honte, la peur, mais surtout… l’amour.
L’amour d’un peuple, d’une patrie, de familles et d’amis
sans faille.
J’ai appris ici à accepter mes émotions, que je gardais
souvent enfouies au fond de moi. Je suis devenue plus expressive, plus
démonstrative, plus transparente, en résumé : plus sincère avec les autres et
avec moi-même.
Parce que quand tu es seule avec tes pensées, tu n’as pas
d’autre choix que d’accepter ce que tu ressens. Ton corps et ton âme, pendant
un échange, c’est tout ce que tu as et tout ce que tu emporteras avec toi. Il
faut en prendre soin.
Apprendre d’une culture, c’est s’ouvrir au monde.
J’ai regardé le film Central do Brasil et j’ai pleuré.
J’y ai vu le Brésil, le vrai. Pas celui qu’on montre toujours aux étrangers.
J’ai compris ce qu’était réellement ce pays : un pays de contrastes,
d’inégalités, de pauvreté, de richesses naturelles, mais aussi d’espoir,
d’humanité et de foi. Beaucoup de foi.
Ici, même la douleur est racontée avec poésie. Comme le
chante Marisa Monte : « Quand le temps passera, on pourra encore voir…la
lumière de tout ce qu’on a vécu. »
Et cette lumière… je la vois dans mes journées ici : dans
les rires, les sons de la rue, les chansons qui font maintenant partie de moi.
Dans les familles avec qui j’ai vécu, mes coéquipiers de foot, le carnaval, les
fêtes à danser le forró avec mon père et mes amies. Cette culture m’a appris
que mon corps avait des choses à dire. J’ai appris à danser et à oublier la
honte. Je sais qu’à partir de maintenant, si une musique joue, je ne resterai
plus dans mon coin en mourant d’envie de danser. J’irai danser. Parce que je
suis devenue cette personne.
Créer des liens que même le temps n’efface pas.
Le jour de mon départ, je sais que ça fera mal. Mais
comme m’a dit un ami : « La saudade, c’est juste l’extension de l’amour. »
Milton Nascimento a chanté : « Un ami, c’est quelque
chose qu’on garde du côté gauche de la poitrine… » J’ai compris. J’ai des amis
que la vie m’a offerts — et que j’emporterai toujours avec moi.
Et comme dit dans le documentaire Ainda Estou Aqui : « La
mémoire, c’est ce qui nous sauve de l’oubli.
C’est la preuve qu’on a existé, qu’on a aimé et qu’on a
été aimé. » Je n’oublie pas. J’emporte. J’emporte le Brésil avec moi.
Pardonner :
J’ai découvert que certaines amitiés, surtout entre
étudiants en échange, sont très fortes — parfois même inexplicables. On vit la
même expérience, on est là pour se soutenir, on échange nos cultures. Mais ces
liens peuvent aussi devenir fragiles : disputes puériles, jalousies…
Dans ces moments-là, j’ai appris deux choses très
importantes pour ma vie :
1. Le meilleur moyen de sortir d’un
conflit, c’est de se poser des questions, de questionner l’autre, et de
communiquer.
2. Et si l’autre ne veut pas parler,
laisse le temps faire son travail. Ne cours pas après ceux qui ne veulent pas
régler les choses. Ceux qui t’aiment, te le montrent.
J’ai appris à pardonner cette année.
Ne plus se comparer :
J’ai appris à arrêter de tout comparer, car certaines
choses ne peuvent pas être comparées quand on ne connaît pas les deux côtés de
l’histoire.
Et surtout, j’ai appris à ne plus me comparer aux autres
— à mes amies, aux adultes… Parce que ça me rendait jalouse, et la jalousie
n’aide pas à grandir.
Il y aura toujours quelqu’un de plus fort que moi dans
quelque chose. Mais j’ai compris que je ne serai jamais heureuse en me
comparant, mais que je peux apprendre des autres.
C’est comme ça que je suis devenue la jeune femme
déterminée et ambitieuse que je suis aujourd’hui, fière de moi, en sachant que
je ne cherche pas à être meilleure que les autres, mais la meilleure version de
moi-même.
Mes familles et mes écoles :
Mon deuxième père, qui est devenu mon vrai père ici, m’a
appris à me débrouiller.
Je garde avec moi ses messages et conseils : «
Débrouille-toi. On fait tous des erreurs. Ne t’inquiète pas trop pour ça…
Certaines sont même nécessaires. Mais attention : pas des erreurs fatales,
celles qu’on regrette toute sa vie. Les petites erreurs, elles, sont bonnes.
Elles nous font grandir. Tu as vécu tout ça ici, dans notre maison. Et moi,
j’ai confiance en toi. Tu sais te débrouiller. »
Dans ma première famille, on m’a appris l’importance de
faire attention, d’assumer mes responsabilités, et que la famille est plus
importante que tout.
Mon deuxième père disait aussi : « L’eau qui passe suit
le courant du fleuve et ne revient jamais.
C’est comme la vie. Profite, vis, savoure l’instant.
Chaque moment est unique. »
Et aussi : « La vie passe si vite… Quand on s’en rend
compte, tant de moments sont déjà derrière nous… et tant d’autres sont encore à
venir. La vie est comme un bateau sur une rivière.
Parfois les eaux sont calmes, parfois elles sont rapides
et puissantes, et parfois il y a des chutes et des précipices… Parfois on
survit, parfois non… mais l’important, c’est de lutter. »
Mes écoles :
Mon premier lycée, Dom Barreto, m’a appris l’excellence,
la rigueur, la discipline et l’assiduité. J’y ai rencontré des élèves très
engagés, dans des équipes importantes, investis dans des activités
extrascolaires. Tout le monde a été très gentil avec moi.
Mon deuxième lycée, plus populaire, m’a appris à aimer
les choses simples. J’y ai passé beaucoup de temps, j’ai beaucoup appris, et
j’ai aussi transmis beaucoup.
J’ai parlé de tolérance — la tolérance, c’est aussi ne
pas se soucier d’où vit ton ami : certains habitent dans des communautés,
d’autres dans des quartiers riches comme Alphaville.
Aucun de ces endroits ne change l’amour qu’ils ont pour
moi, ni celui que j’ai pour eux.
Avant, si quelqu’un n’avait pas d’uniforme, je le jugeais
à sa tenue. Ces uniformes m’ont appris à voir au-delà des classes sociales.
Je n’ai pas les mots pour dire à quel point je suis
reconnaissante d’avoir fait cet échange, qui m’a fait grandir autant — grâce
aux personnes que j’ai rencontrées et aux expériences que j’ai traversées.
Maintenant, j’ai planté mes racines ici, au Brésil.
J’ai accompli tout ce que je voulais accomplir — et même
plus.
Je vais monter dans l’avion avec le cœur lourd, et je
laisserai derrière moi beaucoup d’autres cœurs lourds aussi.
Comme tout le monde ici, j’aurais aimé rester encore un
long moment…
Je vais emporter un morceau de chaque personne qui fait
désormais partie de moi.
Et comme l’a écrit le poète brésilien Gonçalves Dias dans
Canção do Exílio :
« Que Dieu ne permette pas que je meure Sans que je
retourne là-bas. »